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Sur ces entrefaites Pompeianus, préfet de la ville, rencontra quelques personnes venues de Toscane qui lui dirent que la ville de Neveia s’était délivrée d’un pareil péril par des sacrifiées et qu’ayant attiré du ciel les éclairs et le tonnerre elle avait chassé ses ennemis. Après avoir parlé avec elles il observa les cérémonies prescrites par les livres des pontifes; et parce que la religion contraire avait déjà prévalu, il crut, pour plus grande sûreté, devoir communiquer l’affaire à l’évêque Innocent, avant de rien entreprendre. L’évêque préférant la conservation de la ville à sa propre opinion, leur permit secrètement d’observer leurs cérémonies de la manière qu’ils les entendaient. Ces personnes venues de Toscane ayant déclaré qu’on ne pouvait rien faire qui servît à la délivrance de la ville qu’en offrant des sacrifices scion l’ancienne coutume, le sénat monta au Capitole, et y observa aussi bien que dans les places et dans les marchés les cérémonies accoutumées. Mais personne du peuple n’ayant osé y assister, on renvoya les Toscans, et on chercha les moyens d’apaiser la colère du Barbare. On lui envoya donc une seconde ambassade, où après de longues conférences on convint enfin que la ville paierait cinq mille livres d’or, trente mille d’argent, et qu’elle donnerait quatre mille tuniques de soie, trois mille toisons teintes en écarlate, et trois mille livres de poivre. Mais parce qu’il n’y avait point alors d’argent dans le trésor public, il fallut nécessairement que les sénateurs contribuassent à proportion de leur bien. Palladus fut choisi pour régler cette contribution. Mais soit qu’ils eussent caché une partie de leurs biens, ou que les exactions avides et continues des empereurs les eussent réduits à la pauvreté, il ne put amasser la somme entière. Pour comble de malheur, le mauvais génie qui présidait aux affaires de ce siècle porta ceux qui étaient chargés de lever cette somme à prendre les ornements des temples et des images des dieux pour la compléter. Ce qui n’était rien autre chose que de jeter dans le déshonneur et dans le mépris les images dont le culte avait rendu Rome florissante pendant tant de siècles. De peur que quelque chose ne manquât à la ruine de l’empire, on fondit aussi quelques images d’or et d’argent, et entre autres celle de la Vertu, ce qui fit juger à ceux qui étaient savants dans les mystères de l’ancienne religion que ce qui restait de vertu et de force parmi les Romains serait bientôt tout-à-fait éteint.
