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Valens était entouré de guerres de toutes parts. Les Isauriens, qu’on appelle tantôt Pisides, tantôt Solymes, tantôt Ciliciens montagnards, et dont nous parlerons plus amplement en son lieu, incommodaient extrêmement les villes de Lycie et de Pamphylie, et bien qu’ils ne pussent forcer les murailles, ils en ravageaient le territoire et les dépendances. L’empereur qui était encore alors à Antioche, ayant envoyé des troupes capables, à son avis, de les repousser, ils se retirèrent en diligence sur les montagnes les plus escarpées, sans que nos soldats eussent ni le courage de les poursuivre, ni aucun moyen de soulager les villes qu’ils avaient pillées.
Dans le même temps, une nation qui avait été inconnue jusqu’alors parut tout d’un coup, et attaqua les Scythes qui habitent au-delà du Danube. On les appelait Huns, soit qu’il faille les nommer Scythes Basilides, ou bien que ce soient ceux qu’Hérodote dit habiter le long du Danube, et être camus et peu vaillants; soit qu’ils aient passé d’Asie en Europe, car j’ai trouvé écrit dans quelques histoires que le Bosphore Cimmérien ayant été comme changé en terre par la quantité du limon que le Tanaïs traîne après lui, il leur donna un passage. Enfin, de quelque sorte que la chose soit arrivée, il est constant qu’ils partirent avec leurs chevaux, leurs femmes, leurs enfants et leur équipage, et qu’ils attaquèrent les Scythes qui habitent au delà du Danube. Ils ne savaient point combattre de pied ferme; car comment l’auraient-ils su, puisqu’à peine savaient-ils marcher, et qu’ils étaient tellement accoutumés à passer les jours et les nuits sur leurs chevaux, qu’ils y demeuraient durant leur sommeil. Faisant donc, tantôt des incursions et tantôt des retraites, et tirant incessamment, ils tuèrent une si prodigieuse quantité de Scythes, que ceux qui restèrent furent obligés de leur abandonner leurs maisons et de s’enfuir au bord du Danube, en tendant les mains et en suppliant l’empereur de les recevoir au nombre de ses alliés. Les gouverneurs des places ayant différé de leur faire réponse, jusqu’à ce qu’ils eussent appris son intention, il manda de les recevoir, après qu’on les aurait désarmés. Les officiers, au lieu de suivre cet ordre, ne firent rien autre chose que de choisir les plus belle femmes, et les enfants les mieux faits pour s’en servir dans leurs débauches, ou des hommes propres à les servir dans leurs maisons ou à labourer la terre. Les autres, ayant passé secrètement la rivière avec leurs armes, oublièrent à l’heure même leurs prières et leurs promesses, et se mirent à courir la Thrace, la Pannonie, la Macédoine et la Thessalie.
