15.
Jul. Il est une chose cependant que nous ne pouvons nier en aucune manière c'est qu'il est tout à fait agréable à la foule, à celle du moins qui est esclave des plaisirs grossiers, d'imputer à la nature les fautes de la volonté et de justifier les dérèglements de la conduite en accusant l'origine même de l'homme : chacun se trouve ainsi dispensé du soin onéreux de mettre un terme aux désordres qu'il remarque en lui-même, mais qu'il considère comme n'étant pas son oeuvre personnelle.
Aug. Qui t'a dit que les péchés d'un homme quelconque sont commis par un autre homme? Saint Paul, au contraire, après avoir dit : « Ce n'est point moi qui fais cela, mais le péché qui habite en moi », ajoute aussitôt: « Car je sais que le bien n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair[^1] » ; or, ce dernier texte montre clairement que les oeuvres dont il est question dans le premier appartiennent réellement à l'Apôtre; par la raison que la chair elle-même appartient à celui qui est composé d'un corps et d'un esprit. Et cependant tu ne veux pas comprendre avec Ambroise, que ce mal par suite duquel la chair convoite contre l'esprit, est devenu notre condition naturelle, par l'effet de la prévarication du premier homme[^2]. Mais, puisque toi-même tu enseignes ordinairement que ces paroles de l'Apôtre n'expriment pas autre chose que la force irrésistible des habitudes mauvaises, qu'est-ce que tu as voulu dire par ces derniers mots; Chacun se trouve ainsi dispensé du soin onéreux de mettre un terme aux désordres qu'il remarque en lui-même, « mais qu'il considère comme n'étant pas son oeuvre personnelle? » Tu prétends sans doute que celui-là doit mettre fin â ses propres dérèglements, qui dit ; Ce n'est point moi qui fais cela » ; et tu prétends que cette conversion doit être accomplie par les forces de sa volonté personnelle ; tu vois cependant combien la volonté est faible dans ce même personnage, puisqu'il ajoute : « Je ne fais point ce que je veux ». De grâce, permettez au moins d'implorer le secours de Dieu à celui en qui vous voyez que la liberté de la volonté est ainsi affaiblie,
Rom. VII, 17, 18.
Ambr. Liv. VII sur saint Luc, XII, 52.
