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Jul. Mais il enseigne en même temps que la grâce de Jésus-Christ est communiquée à des âmes innocentes qui n'ont point participé à la faute d'Adam : c'est pour quoi il a soin d'ajouter en des termes encore plus explicites : « La grâce de Dieu et le don d'un seul homme, Jésus-Christ, se sont répandus d'une manière beaucoup plus abondante sur un plus grand nombre[^2] » ; d'où il suit que la parité établie dans les paroles que nous venons de rapporter, consiste uniquement en ce que, parmi les personnes qui sont parvenues à l'âge de raison, les unes imitent le premier homme en obéissant à leurs inclinations mauvaises, tandis que les autres imitent Jésus-Christ en s'efforçant de pratiquer le bien; mais la prééminence attribuée ici à la munificence de la grâce, prouve que celle-ci consacre et rend plus parfaites des âmes qui sont déjà dans un état d'innocence. Ces principes posés, tu dois voir que l'Apôtre combat ta doctrine, et non pas la mienne; tu dois comprendre que ses traits sont dirigés contre toi seul; car tes maximes, qui sont aussi celles de ton maître Faustus, lequel t'a donné les premières notions de ta science hérétique; tes maximes, dis-je, pourraient, à défaut d'autre texte, être réfutées sans réplique par le texte seul où saint Paul déclare que, par la désobéissance d'un seul, un grand nombre d'hommes, et non pas tous les boni. mes, ont été constitués pécheurs, et que, par l'obéissance d'un seul, non pas tous les hommes, mais un grand nombre d'entre eux seulement ont été établis dans la justice. Mais, afin de rendre plus manifeste encore aux yeux du lecteur la contradiction qui règne entre ta doctrine et ces paroles de l'Apôtre:
Celui-ci déclare que tous les hommes n'ont pas été constitués pécheurs par suite du péché d'Adam; tu affirmes, toi, que par suite de ce même péché d'Adam, tous les hommes sans exception contractent un péché naturel et se trouvent soumis à la puissance du démon on ne peut plus douter que ta doctrine et celle de saint Paul soient directement opposées l'une à l'autre.
Aug. Saint Paul, parlant des mêmes personnes, emploie tantôt le mot « tous », et tantôt ces autres mots : « un grand nombre »; dans sa pensée, cette dernière expression ne détruit pas le sens de la première; autrement, il se contredirait lui-même, comme votre perversité cherche à nous le faire croire, ou comme votre aveuglement vous le fait croire faussement à vous-mêmes. L'Apôtre donc ayant employé, pour désigner les mêmes personnes, tantôt le mot « tous », et tantôt ces autres mots: «un grand nombre », j'ai démontré, moi, que ces deux expressions ne se contredisent pas réciproquement; que la totalité des hommes a pu très-bien être désignée sous le nom de «La multitude des hommes», par la raison précisément que le mot tous s'applique parfois à un petit nombre de personnes ou de choses toi au contraire, en déclarant que l'on ne doit pas entendre « tous les hommes », là où l'Apôtre dit: « tous les hommes », tu montres sans aucun doute, et de la manière la plus convaincante, que ta doctrine est en contradiction avec celle de ce même Apôtre.
- Rom. V, 15.
