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Jul. Cependant ces paroles pouvaient faire naître la même difficulté à laquelle saint Paul avait déjà répondu précédemment; on lui objecterait peut-être que, une fois délivrés de la loi et des menaces de châtiments rigoureux renfermées dans la loi, les hommes pouvaient donc en toute sécurité commettre le péché sous le règne de la grâce et sous l'empire de la bonté divine; c'est pourquoi il ajoute aussitôt . « Quoi donc? pécherons-nous parce que nous ne sommes plus sous la loi, mais sous la grâce ? Dieu nous en garde ! ne savez-vous pas que quand vous vous rendez esclaves de quelqu'un pour lui obéir, vous demeurez esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché, soit de l'obéissance et de la justice[^1] ? » Croirons-nous enfin au témoignage même de l'Apôtre, quand il déclare quelle est la nature du péché dont il a fait jusqu'ici l'objet de son discours? « Quand vous vous rendez esclaves de quelqu'un », dit-il, « pour lui béir, vous demeurez esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché, soit de la justice ». Où donc se trouve-t-il désigné dans les paroles de l'Apôtre, ce péché que l'on suppose être venu avant que les enfants aient pu faire usage de leur volonté, avant qu'ils aient été capables d'obéissance, avant que leur intelligence ait reçu aucun développement, avant qu'ils aient eu conscience de leur propre vie; ce péché, dis-je; que l'on suppose être venu subitement souiller le sang même dont ces enfants ont été formés? Certes, nulle part il ne saurait être question d'un péché de ce genre, si ce n'est dans les livres des Manichéens.
Aug. Ce n'est point dans les livres des Manichéens qu'on lit ces paroles : « Nous avons été, nous aussi, enfants de colère par nature aussi bien que les autres[^2] » ; vous donnez ici au texte grec une interprétation d'un genre nouveau, mais en cela vous faites preuve d'une impudence encore plus inouïe; suivant vous l'Apôtre semblerait avoir dit, non pas : « Nous avons été, par notre nature, enfants de colère » ; mais : « Nous avons été, tous sans exception, enfants de colère ». Peut-être même oserez-vous faire cette correction dans vos exemplaires; car vous ne voulez pas reconnaître avec nous que si la foi dont nous prenons la défense n'était pas d'autant plus ancienne qu'elle est plus conforme à la vérité, les mots : « par notre nature », ne se trouveraient pas dans tous les exemplaires latins. Il ne faut pas conclure de là, cependant, que l'Apôtre n'aurait pas dû nous avertir d'obéir à la justice et non pas au péché, sous prétexte que nous naissons tous en état de péché, nous autres hommes dont l'origine même est flétrie[^3]. Car, alors même que la souillure de notre génération a été effacée par le bienfait de la régénération , il nous reste encore à obéir à l'esprit de justice, et notre devoir est de nous soumettre à lui; il nous reste encore à refuser d'obéir à la concupiscence de la chair, et notre devoir est de lutter contre elle; et, en agissant ainsi, nous devons sans aucun doute nous souvenir que cette obéissance pieuse est elle-même un don de Dieu, celui précisément qu'il a promis en ces termes par la bouche de son Prophète : « Je leur donnerai un coeur docile, afin qu'ils me connaissent; je leur donnerai des oreilles attentives, afin qu'ils m'écoutent[^4]» ; ces dernières expressions signifient-elles autre chose que ceci : Afin qu'ils m'obéissent?
Rom VI, 15, 16.
Ephés. II, 3.
Ambr. Liv. I de la Pénitence, ch. II ou II.
Jér. XXIV, 7 .
