63.
Jul. Mais il est certain que la phrase de l'Apôtre n'est pas celle que notre ennemi lui a attribuée. Voici le raisonnement de celui-ci : « Si l'Apôtre », dit-il, « avait voulu a parler de cette imitation, il aurait dit que le péché est entré, non pas par un seul homme, mais par le démon, et que ce même péché a passé par tous les hommes. « Car il est écrit du démon : Ceux-là sont ses imitateurs, qui se sont rangés de son parti[^1]. Mais saint Paul a dit que le péché est entré par un seul homme, c'est-à-dire par celui à qui remontent les générations humaines , afin précisément de nous montrer que le péché originel a passé par tous les hommes qui ont été engendrés[^2]». Notre adversaire en impose donc, quand il affirme que le bienheureux Paul a déclaré que le péché est entré dans le monde par un seul homme, et que le péché «passé ainsi dans tous les hommes : cette dernière p proposition, dis-je, ne se trouve nulle part dans les écrits du Maître des Gentils; saint Paul ne parle pas de la transmission du péché, mais de la transmission de la mort. Voici comment sa phrase est construite : « De même que le péché est entré dans le monde par un seul homme, et par le péché la mort; de même aussi (il ou elle[^3]) a passé dam tous les hommes par celui en qui tous ont péché ». Le sublime Docteur de l'Eglise a pesé les expressions qu'il devait employer; Le péché », dit-il, « est entré dans le monde par un seul homme, et par le péché à mort; et ainsi (il ou elle) a passé dans tous les hommes ». Il avait nommé d'abord la mort et le péché : quelle raison pouvait l'obliger, dès qu'il parlait de transmission, à séparer ces deux noms unis par lui précédemment, et à montrer ainsi en termes exprès, que, à la, vérité, le péché est entré dans ce monde par un seul homme, et par le péché la mort ; mais que la mort seule, et non pas le péché a passé dans tous les hommes, pour accomplir une sentence aussi juste qu'elle est sévère, pour punir nos prévarications et venger, non pas le sang que nous avons reçu de nos parents, mais les fautes dont nous nous sommes rendus coupables personnellement : quelle raison, dis-je, pouvait obliger l'Apôtre à s'exprimer avec tant de circonspection, si ce n'est le désir qu'il avait d'empêcher que ses paroles ne fussent regardées dans la suite comme favorisant tant soit peu votre doctrine?
Aug. Ces paroles, à la vérité, paraissent obscures en elles-mêmes : « Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et par le péché la mort; et ainsi (il ou elle) a passé dans tous les hommes » :est-ce le péché, est-ce la mort ou bien l'un et l'autre à la fois, que saint Paul déclare avoir passé dans tous les hommes? mais la réponse à cette question est clairement indiquée par la nature même des choses. Car, si le péché n'avait pas été transmis, tous les hommes ne naîtraient pas avec la loi du péché, qui est dans nos membres : si la mort n'avait pas été transmise, tous les hommes ne mourraient pas, du moins de la mort qui nous frappe dans notre condition présente. Quand l'Apôtre ajoute : « En qui tous ont péché », ces mots « en qui » désignent uniquement Adam en qui il dit aussi que tous sont morts; car il n'eût pas été juste que le châtiment fût transmis sans que la faute fût transmise pareillement. Quelques efforts que tu fasses, il te sera impossible de renverser les fondements de la foi catholique par la raison surtout que tu es en contradiction avec toi-même, puisque tu dis maintenant que la mort seule, et non pas le péché, a été transmise, après avoir dit précédemment que l'Apôtre a parlé en termes exprès, non pas de deux personnes, mais d'un seul homme, afin précisément de nous montrer que la transmission du péché s'est opérée par voie d'imitation, et non point par voie de génération[^4]. Le péché a donc été transmis avec la mort; comment peux-tu dire après cela que la mort seule, et non point le péché, a été transmise?
Sag. II, 25.
Des Noces et de la Conc., liv. II, n.45.
Conformément au génie des langues grecque et latine, le pronom qui sert de sujet au verbe n'est pas exprimé.
Ci-dessus, Ch. LVI, LXI.
