119.
Jul. Car, d'une part, saint Paul déclare que « la grâce de la justification délivre d'une multitude de péchés » ; et , d'autre part, tu enseignes, toi, que ces paroles ne sauraient être réalisées dans la personne des enfants ; mais qu'elles s'accomplissent uniquement dans la personne de ceux qui sont parvenus à l'âge de maturité, précisément parce qu'ils ont ajouté, par le mouvement de leur volonté propre, des péchés nouveaux à ce péché unique; d'où il suit manifestement que, dans ta pensée, la grâce agit d'une manière différente suivant les dispositions diverses de ceux qui la reçoivent. Ceux qui font usage de leur volonté personnelle, offrent à la grâce une occasion de mériter des éloges légitimes; car, en les élevant à la dignité d'enfants adoptifs, elle les fait passer d'un état plusieurs fois criminel à l'état de justice ; à l'égard des enfants au contraire elle se montre, suivant toi, beaucoup moins généreuse et moins libérale ; la puissance qu'elle déploie n'est pas grande, et le remède qu'elle apporte ne saurait être efficace; elle porte même atteinte à l'équité, et par là à son propre honneur; elle s'engage seulement à effacer en eux ce péché unique, dont elle n'avait pas le droit de les déclarer coupables ; puis elle s'efforce de purifier de cette souillure unique et de rendre justes, ceux d'entre eux qu'elle délivre.
Aug. Il a déjà été répondu à cela ; tu répètes sans cesse les mêmes choses, précisément parce que tu ne trouves pas d'argument sérieux à faire valoir. Quand vous prétendez qu'on ne saurait imputer aucun péché aux enfants, vous déclarez par là même que Dieu est injuste, puisqu'il fait peser sur eux un joug qui les accable dès le jour de leur naissance[^3]. Lors même que cette maxime ne se trouverait pas exprimée dans l'Ecriture, qui serait assez aveugle pour ne point voir que les maux dont l'humanité est affligée commentent avec les larmes que nous répandons dès le berceau? Vous déclarez aussi que la loi de Dieu est injuste, quand elle condamne l'enfant qui n'a pas été circoncis le huitième jour[^1]; vous considérez enfin comme un rite tout à fait inutile le précepte d'après lequel on doit, à la naissance d'un enfant, offrir un sacrifice de propitiation[^2]. Si au contraire l'existence de cette souillure d'origine est un fait attesté dans les saintes Ecritures et qui, d'ailleurs, se révèle assez par lui-même; ce péché doit, lui aussi, être compté parmi cette multitude de péchés dont la grâce de la justification nous délivre, en même temps qu'elle fait sortir les enfants de cet état malheureux pour les appeler à une condition parfaitement heureuse. Toutefois on ne goûte pas les fruits de cette double délivrance, dans le siècle pré. sent que Dieu a voulu être pour les hommes une époque de souffrance continuelle depuis le jour où nos premiers parents furent chassés par lui du paradis de délices; mais-seulement dans l'éternité future, dans cette éternité où Jésus-Christ règne déjà maintenant, et d'où il communique à ses membres les dons de l'Esprit-Saint comme gage des autres biens qu'il leur réserve.
Eccli. XL, 1.
Gen. XVII, 14.
Lévit. XII, 6, 7.
