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Jul. Mais afin de montrer d'une manière encore plus explicite les conséquences heureuses de cette doctrine et la sécurité avec laquelle on doit l'embrasser, l'Apôtre énumère ensuite les bienfaits que cette philosophie chrétienne apporte aux fidèles : « Outre cela, nous nous glorifions encore dans les tribulations qui nous accablent; sachant que la tribulation produit la patience, que la patience produit la pureté, et la pureté, l'espérance ; or , l'espérance ne confond point, parce que la charité de Dieu est répandue dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné[^2] ». En d'autres termes, non-seulement ces bienfaits nous ont permis de nous réjouir parfois du prix inestimable des dons qui nous sont conférés; mais dès aujourd'hui même, au milieu des angoisses qui nous torturent comme un feu dévorant, la seule possession de la vertu nous procure une force merveilleuse ; nous nous rions de la fureur de nos persécuteurs; à nos yeux la cruauté des impies doit servir à nous instruire dans la pratique de la patience plutôt qu'à troubler notre joie; et ainsi non-seulement nous évitons le péché à cause de la récompense qui nous attend, mais nous estimons que cette fuite du péché est elle-même une récompense.
Aug. Si c'est une récompense de ne point commettre le péché, par qui cette récompense est-elle donnée? Tu ne diras pas, sans doute, que l'homme se la donne à lui-même; quoique les principes de votre abominable hérésie t'obligent à accepter cette conséquence. Or, si c'est Dieu qui donne à l'homme cette récompense, de ne point commettre le péché; il me semble que le mot don devrait être employé ici plutôt que le mot récompense, afin de ne pas laisser croire que l'homme a mérité d'une manière quelconque d'éviter ainsi le péché; car Pélage lui-même a condamné ceux qui enseignent que la grâce de Dieu nous est donnée par suite de nos mérites. Mais toi-même tu as dit tout à l'heure comment ce don, en d'autres termes, ce pouvoir d'éviter le péché, est accordé à l'homme, quand tu as cité ces paroles de l'Apôtre : « La charité de Dieu est répandue dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné ». D'où il suit que, suivant les principes de la philosophie chrétienne, le pouvoir de nous glorifier dans nos tribulations ne vient pas de nous. mêmes; c'est, au contraire, un pouvoir que nous avons reçu : et voilà pourquoi il est dit à celui qui se glorifie de ses propres mérites, comme s'il n'en était redevable qu'à lui. même : « Qu'as-tu que tu n'aies reçu? Et si tu l'as reçu, pourquoi t'en glorifier comme si tu ne l'avais point reçu[^1]? » Ainsi donc, nous nous glorifions, non point comme si nous n'étions pas redevables à un autre de nos mérites; mais nous nous glorifions en celui de qui nous les avons reçus, et tout homme qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur[^3], Voilà la nature de la grâce telle qu'elle est enseignée par la foi catholique : pourquoi, dites-moi, opposer à cette doctrine vos principes erronés, puisque la vérité vous arrache à vous-mêmes des aveux qui sont la réfutation de ces principes?
Rom. V, 3-5.
I Cor. IV, 7.
Id. I, 31.
