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Jul. Montre-nous maintenant en quel endroit saint Paul a déclaré la puis sance de la grâce égale à la puissance du péché ; afin que, si ta foi n'admet pas que l'efficacité des remèdes ait été déclarée supérieure aux blessures , elle reconnaisse du moins que la première n'est pas inférieure aux secondes. Quand même tu trouverais cette maxime établie quelque part dans l'Ecri. ture, il n'en serait pas moins certain qu'elle est absolument contraire au sentiment de saint Paul ; car l'Apôtre, afin de rendre sa pensée plus saisissable, la résume tout entière en ces quelques mots : « La grâce de la justification délivre d'une multitude de péchés»; or, suivant toi, les enfants ne sont pas coupables d'une multitude de péchés, quoique tu n'admettes pas avec l'Apôtre qu'ils ne sont coupables d'aucun.
Aug. Suivant toi aussi, ceux qui ont commencé à commettre l'iniquité pour la première fois, ne sont pas coupables d'une multitude de péchés ; et cependant tu ne saurais nier que, lorsqu'ils se présentent au baptême, ils participent à cette grâce de la justification qui délivre d'une multitude de péchés.Ainsi les péchés de tout le peuple, dont les enfants, eux aussi, sont une partie, forment une multitude de péchés; quand la grâce de la justification, qui délivre d'une multitude de péchés, est communiquée à ce peuple de la cité de Dieu, elle trouve quelques-uns de ses membres coupables d'un grand nombre de péchés , elle en trouve d'autres coupables d'un petit nombre de péchés; enfin elle trouve les enfants coupables d'un péché unique ; or, tous ces péchés ensemble forment une multitude de péchés, et cette multitude même confond tes paroles aussi vaines qu'elles sont intarissables. Si, au contraire, comme tu le penses, l'Apôtre enseigne que les enfants ne sont coupables d'aucun péché, pourquoi, suivant le même Apôtre, ces enfants sont-ils morts? Car, tu le reconnais toi-même , le Christ est mort aussi pour eux : « Un seul est mort pour tous; donc tous sont morts, et le Christ est mort pour tous[^1] ». O Julien, ce n'est pas Augustin, c'est l'Apôtre qui s'est exprimé ainsi; ou plutôt, c'est le Christ qui a parlé par la bouche de son Apôtre : renonce à tes vains discours, soumets-toi à Dieu.
- II Cor. V, 14,15.
