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Jul. Ainsi, suivant l'Apôtre, le péché est entré dans ce monde par un seul homme, et par le péché la mort ; parce que le monde a arrêté ses regards sur Adam coupable et destiné à subir le châtiment d'une mort éternelle. La mort, au contraire, a passé dans tous les hommes; parce que tous les prévaricateurs, ceux même qui devaient naître dans les siècles suivants, furent compris dans la même sentence de condamnation : toutefois cette mort n'a pas le pouvoir de frapper les saints ni ceux qui sont encore innocents ; elle exerce ses rigueurs uniquement sur ceux qu'elle voit imiter la prévarication du premier homme.
Aug. La doctrine que tu enseignes ici est précisément celle qui fut objectée à votre hérésiarque Pélage dans l'assemblée des évêques de Palestine, et d'après laquelle Adam, au moment même de sa création, aurait été destiné à mourir, soit qu'il commit ensuite, soit qu'il ne commît pas le péché. L'Écriture dit en parlant de la mort qui nous frappe tous: «Le péché a commencé par la femme, et c'est à cause d'elle que nous mourons tous[^1] » : tu ne veux pas que cette mort ait été transmise à tous les hommes, dès leur origine, par suite du péché, afin de n'être pas obligé de reconnaître en même temps que le péché nous a été transmis pareillement dès notre origine. Tu sens, en effet, combien il serait injuste que la transmission du châtiment eût lieu sans que la faute qui mérite ce châtiment fût transmise en même temps. Mais le principe que tu t'efforces de combattre, est un principe tellement conforme à la foi catholique, que si Pélage n'avait pas condamné la doctrine enseignée ici par toi, lorsqu'elle lui fut objectée, comme je l'ai dit tout à l'heure, certainement il ne serait pas sorti de cette assemblée sans avoir été condamné lui-même. Ainsi, cette mort par laquelle l'esprit est séparé du corps, et celle qu'on nomme la mort seconde, et qui consiste en ce que l'esprit sera torturé avec le corps, ont passé dans tous les hommes, en ce sens du moins que le genre humain a mérité de les subir l'une et l'autre : mais la grâce de Dieu que nous avons reçue par les mérites de celui qui est venu mourir, afin de détruire le règne de la mort par la résurrection dont il nous a donné l'exemple ; la grâce de Dieu, dis-je, n'a pas permis à la mort de régner avec un tel empire. Voilà ce qu'enseigne la foi catholique, voilà ce qu'enseignent ceux dont Pélage a redouté la sentence; mais cette doctrine n'est pas enseignée par les hérétiques qui ont adopté la doctrine de Pélage.
- Eccli. XXV, 33.
