28.
Jul. Adressons-nous donc maintenant à cet adversaire. Tu m'avais accordé que le péché est l'oeuvre de la volonté; j'aurais pu conclure aussitôt très-légitimement : Puisqu'il n'y a dans les enfants aucune volonté capable de commettre le péché, donc les enfants ne sont coupables d'aucun péché. Mais afin de t'accabler sous le poids d'un plus grand nombre de témoignages, je t'ai demandé par des interrogations graduelles comment l'enfant se trouve coupable de ce péché ; est-ce par un acte de sa volonté? Tu m'as accordé ici que cet enfant n'a jamais eu conscience de sa volonté. Je t'ai demandé alors s'il avait commis une première faute par le fait seul que ses membres n'étaient d'abord qu'une ébauche grossière? Mais tu m'avais accordé que ces membres reçoivent de Dieu leur forme première, et par là même qu'ils sont bons. Je t'ai demandé en troisième lieu si tu pensais que cette culpabilité fût une suite de l'union de l'âme au corps? Mais il est certain que cette âme se trouvait alors créée nouvellement, et qu'elle n'avait rien de commun avec le sang dont le corps a été formé. Enfin (puisque tu n'avais pu contredire aucune de ces réponses) je t'ai adressé cette question décisive : Appelles-tu oeuvre du démon le mariage , c'est-à-dire l'union des corps? Mais j'ai démontré et tu as reconnu toi-même que cette union est un des devoirs imposés aux parents. Chacune des questions que nous venons de rapporter ayant donc reçu sa réponse, ta doctrine de la transmission du péché livrait aux mains du démon les époux qui avaient été la cause du péché. Après tous ces arguments, j'ai porté contre toi une accusation qui se présentait d'elle. même : j'ai dit que tu regardais le démon comme l'auteur des corps, puisque tu lui attribuais l'oeuvre de l'union charnelle sans laquelle les corps ne peuvent prendre naissance. Cette première discussion a fait con. naître la nature de la maladie qui t'accablait; mais la seconde a montré à la fois combien tu es malheureux de partager de semblables sentiments, et combien la crainte qui t'arrache ces aveux rend plus éclatant le triomphe des catholiques. Tu nous accordes que les hommes sont créés par Dieu, que les époux sont innocents, et que les enfants n'accomplissent aucun acte par eux-mêmes; de ces trois propositions , dont tu as reconnu la vérité, j'ai tiré cette conclusion irréfutable; puisque le péché n'est commis ni par celui qui naît, ni par celui qui a engendré, ni par celui qui a créé, il ne reste plus aucune ouverture par laquelle on puisse enseigner, que le péché a pénétré. Si donc cette conclusion te déplaît, repousse les propositions; que tu as acceptées, et déclare que le péché; a été commis ou bien par celui qui a engendré, ou bien par celui qui a créé, ou bien par celui qui est né : trois maximes dont l'une est insensée, dont l'autre est manichéenne, et dont la troisième est plus que manichéenne; car tu es un insensé, si tu dis que les petits enfants ont commis une faute; tu es un manichéen, si tu accuses les époux; tu es plus que manichéen, si tu regardes Dieu comme l'auteur du péché. Conséquemment, si ces trois maximes sont tellement contraires à la vérité que tu craignes encore de les défendre ouvertement, par quelle impudence, ô le plus insensé de tous les hommes, persistes-tu dans la négation de la conclusion que nous avons posée?
Aug. Quand tu seras arrivé aux paroles de l'Apôtre, tu y trouveras, non pas l'ouverture secrète, mais la porte tout à fait visible par laquelle le péché est entré dans le monde ; sans doute tu t'efforceras de fermer cette porte; mais tu seras vaincu, toi et ton verbiage sans fin, par les cris des petits enfants enture à la mamelle qui demandent leur salut à Jésus-Christ, plutôt que tes louanges, et dont les larmes muettes attestent la misère personnelle avec une autorité bien plus décisive que celle des discussions tortueuses (misère dont assurément ils n'auraient pu en aucune manière subir les tristes atteintes dans le paradis, si Adam avait persévéré dans la droiture et la félicité de sa condition première).
