113.
Jul. Quoique les arguments établis ci-dessus soient plus que suffisants pour la défense de la vérité, je prie cependant le lecteur de prêter la plus sérieuse attention à ceux que nous allons ajouter. Il sera démontré d'une manière irréfutable que, en cet endroit, l'apôtre saint Paul ne traite nullement de la nature, ruais bien de la conduite des hommes, considérant successivement l'efficacité de la grâce et celle du premier péché, et comparant les effets de l'une et de l'autre, il s'efforce de prouver que les dons mystérieux accordés par Jésus-Christ compensent surabondamment les suites funestes du péché du premier homme. Nous avons montré nous-mêmes que cette doctrine ne saurait se concilier avec celle de la transmission du péché. Saint Paul a donc voulu relever le mérite de la grâce, non-seulement par l'énumération qu'il a faite précédemment de ses effets, mais encore et d'une manière spéciale par cette déclaration : « Le jugement de condamnation vient d'un seul ; mais la grâce nous délivre d'une multitude de péchés pour nous procurer en même temps la justification de la vie». Le partisan de l'existence du mal naturel explique ces paroles de cette manière : « Le jugement de condamnation vient d'un seul », dit-il, « parce que ce péché unique, a contracté dès notre origine, suffirait pour nous conduire à la damnation, comme il y conduit réellement les enfants qui sont nés du premier homme et qui n'ont pas reçu une seconde naissance en Jésus-Christ; et cela, lors même que nous ne serions coupables d'aucun autre péché. Mais la grâce de la justification délivre d'une multitude de péchés, parce qu'elle remet, non-seulement celui que nous avons contracté à notre origine, mais aussi les autres que chacun de nous ajoute à celui-là par le mouvement de sa volonté personnelle[^1] ». Tu déclares ici, dans un langage impie, il est vrai, et tout à fait digne d'un manichéen, tu déclares qu'il existe un péché naturel, que ce péché est unique, et tu ajoutes que, à cause de ce péché, les petits enfants doivent être envoyés à la damnation.
Aug. Celui qui a dit : « Nous naissons tous dans l'état du péché[^2] », n'était pas un disciple de Manès. Mais vous-mêmes, dis-moi, de quel nom faut-il vous appeler, vous qui excluez du royaume de Dieu, sans qu'elles l'aient mérité par aucun péché, une foule d'âmes créées à l'image de Dieu-; vous qui niez en même temps que ces âmes soient condamnées par le jugement de Dieu, et qui établissez ainsi deux félicités éternelles : l'une dans le royaume de Dieu, l'autre en dehors du royaume de Dieu ; dites-nous, de grâce, dans cette félicité dont on jouira en dehors du royaume de Dieu, y aura-t-il un roi, ou bien n'y en aura-t-il pas ? S'il n'y a pas de roi, il est hors de doute que ceux qui auront part à cette félicité jouiront d'une liberté plus grande; trais s'il y a un roi, quel autre qu'un Dieu pourra régner sur des images de Dieu ? Or, si ce roi est Dieu, vous introduisez donc une seconde divinité; et vous me qualifiez moi-même de manichéen ! Si au contraire le Dieu qui doit régner dans ce séjour est précisément celui à l'image de qui ces âmes ont été créées; ces dernières doivent donc, elles aussi, jouir d'un bonheur éternel dans le royaume de leur vrai Dieu. Mais que signifient alors ces paroles : « Si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu[^3] ? » Reconnaîtrez-vous enfin que les enfants non régénérés auront la souffrance en partage en dehors du royaume de Dieu ? Dites-nous donc, vous qui êtes toujours prêts à parler et à discuter, dites-nous comment ces enfants ont mérité de souffrir ainsi, puisque vous niez l'existence du péché originel.
Des Noces et de la Conc., liv. II, n. 46.
Ambr. Liv. II de la Pénit. ch. II ou III.
Jean, III, 5.
