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Jul. Ainsi, on ne peut pas dire non plus que les enfants sont coupables, parce que les parents commettent le péché au moment même où ils les engendrent : car les parents n'ont d'autres rapports avec leurs enfants que ceux qui naissent de leur qualité de parents; d'où il suit que les enfants, à leur tour, n'ont d'autres rapports avec leurs parents que ceux qui naissent de leur qualité d'enfants. Il est certain en effet que la nature seule, et non point la faute de celui qui engendre, est communiquée à celui qui est engendré. Si tu déclares que l'Apôtre confirme à cet égard ce qui est déjà démontré par la raison, c'est donc à bon droit que, conformément aux enseignements de saint Paul, nous soutenons que les péchés des parents ne sauraient appartenir aux enfants; car, puisque l'Apôtre éclairé des lumières du Saint-Esprit, toi-même accablé sous le poids de la vérité que tu combats, et nous qui prenons pour guides les principes lumineux de la raison, nous confessons tous, d'une voix unanime et avec une égale sincérité, que les parents, comme tels, ne sont point coupables; que de plus ils n'ont avec leurs enfants d'autres rapports que ceux qui naissent de leur qualité de parents; il s'ensuit, par une conséquence rigoureuse, que les enfants, comme tels, c'est-à-dire avant qu'ils aient pu accomplir aucun acte de volonté personnelle, ne sauraient être coupables.
Aug. Les parents, il est vrai, sont parents précisément parce qu'ils ont engendré, et les enfants sont enfants parce qu'ils ont pris naissance; mais l'acte d'engendrer, et l'acte de prendre naissance ne sont point des actes mauvais, puisqu'ils appartiennent à un ordre de choses établi par Dieu, et que, si personne n'avait commis le péché, l'un et l'autre auraient pu s'accomplir dans le paradis en dehors de tout mouvement de la convoitise honteuse. Car la convoitise dont nous devons rougir présentement, n'aurait rien qui blessât la pudeur, si elle n'était pas née du péché ou si elle n'avait pas été altérée par le péché; ou bien elle n'existerait en aucune manière, et les parents feraient usage des organes de la reproduction comme les ouvriers tout usage de leurs mains; ou bien cette convoitise serait tellement soumise à la volonté qu'elle ne pourrait jamais solliciter celle-ci contre son gré; elle ne serait point cette convoitise dont nous voyons aujourd'hui la chasteté combattre les mouvements déréglés, tantôt dans la personne des époux qui luttent contre elle pour ne point se laisser aller entre eux à des actes d'une lubricité honteuse, tantôt dans la personne de ceux qui ne sont point engagés dans les liens du mariage et qui refusent de consentir aux sollicitations coupables de la chair. C'est précisément cette dernière convoitise qui est la source du péché originel; c'est à elle que toute participation a été refusée dans la naissance de celui qui est venu, non pas apporter ses propres péchés, mais effacer les nôtres.
