CHAPITRE IX. QUICONQUE N'A PAS ENTENDU LE NOM DE JÉSUS-CHRIST NE SAURAIT ÊTRE JUSTIFIÉ.
10. « Mais », répondent les Pélagiens, « cet homme n'est point condamné; car s'il est dit que tous ont péché en Adam, il ne s'agit que d'une simple imitation et non pas d'une souillure réelle contractée par le péché originel ». Si donc on soutient qu'Adam est l'auteur des péchés commis par sa postérité, parce qu'il a été de tous les hommes le premier pécheur, pourquoi ne pas dire d'Abel, plutôt que du Christ, qu'il est le chef de tous les justes, puisqu'il a été de tous les hommes le premier juste? Remarquez que ce n'est plus d'un enfant que je parle; je suppose qu'un jeune homme ou un vieillard meurt dans une contrée où il n'a pu entendre parler de Jésus-Christ, et je demande si, oui ou non, il a pu être justifié par la nature ou par son libre arbitre. S'ils disent qu'il a pu être justifié, je demande si l'on peut, sans anéantir la croix de Jésus-Christ, soutenir que tel homme a pu être justifié par la lai naturelle et par son libre arbitre. S'il en est ainsi, il ne nous reste qu'à dire : « C'est inutilement que Jésus-Christ est mort », car la justification possible à un homme l'était également pour tous, lors même que Jésus-Christ ne serait pas mort; et si c'est uniquement parce qu'ils l'ont voulu que les hommes sont coupables, ce n'est donc plus parce qu'ils ne pouvaient être justes par eux-mêmes. Or, il est certain que personne ne peut être justifié sans la grâce de Jésus-Christ; vienne maintenant le Pélagien poussant l'audace jusqu'à absoudre tel ou tel pécheur en nous disant: « Puisqu'il n'est ce qu'il est, que parce qu'il n'a pu être autrement, il est par là même exempt de toute faute ».
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