CHAPITRE XXXIV. NOUS POUVONS DIRE EN TOUTE VÉRITÉ QUE NOUS NE SOMMES PAS SANS PÉCHÉ.
38. A ceux qui disent : « Ce que vous affirmez paraît raisonnable, mais c'est par orgueil que l'on prétend que l'homme peut être sans péché », notre auteur adresse cette réponse à laquelle j'applaudis : Il n'y a pas d'orgueil à affirmer ce qui est absolument vrai. Il ajoute, avec autant d'esprit que de vérité : « De quel côté placerez-vous l'humilité ? Sans aucun doute, du côté du mensonge, si l'orgueil se trouve avec la vérité ?» Il conclut, et avec raison, que l'humilité se trouve du côté de la vérité et non pas du côté du mensonge. Il suit de là que ces paroles : « Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n'est point en nous », sont l'expression de la plus haute vérité; car pourrait-on .croire que l'humilité eût inventé un semblable mensonge? L'Apôtre pourrait se contenter de dire : « Nous nous trompons nous-mêmes »; si donc il ajoute: « Et la vérité n'est pas en nous », n'est-ce point parce qu'il pensait qu'il y aurait des hommes qui, dans ces mots : « Nous nous trompons nous-mêmes », ne verraient qu'une allusion à ceux qui mettent une certaine complaisance dans le bien véritable qu'ils accomplissent? En ajoutant : « Et la vérité n'est pas en nous », l'Apôtre montre clairement, et notre auteur professe avec raison cette vérité, que personne n'a le droit de dire qu'il est sans péché. Autrement l'humilité se trouverait du côté du mensonge et perdrait par là même tout droit à la récompense de la vérité.
39. En exagérant les forces de la nature, notre auteur se flatte de défendre la cause même de Dieu; il ne voit pas qu'en soutenant de la nature qu'elle est parfaitement saine, il repousse la miséricorde du médecin. En effet, celui qui est notre Créateur est en même temps notre Rédempteur. Ainsi donc, en louant le Créateur, prenons garde de nous mettre dans la nécessité logique de conclure ou de paraître conclure que l'oeuvre de la Rédemption est absolument superflue. Faisons de la nature humaine les plus grands éloges, et que ces éloges tournent à la gloire du Créateur; mais si nous sommes reconnaissants de la création, ne soyons pas ingrats pour notre rédemption. Les vices dont nous obtenons la guérison par Jésus-Christ, nous devons les attribuer, non point à l'oeuvre divine, mais à notre volonté humaine et aux justes châtiments que méritent nos péchés; mais si nous avouons qu'il était primitivement en notre pouvoir de nous exempter de ces vices, convenons, aujourd'hui, que la guérison de ces mêmes vices est plutôt l'oeuvre de la divine miséricorde que de notre propre volonté. Or, l'auteur que nous combattons, quand on lui parle de la miséricorde et du secours médicinal du Sauveur, les fait consister dans le pardon des péchés passés, et non pas dans le secours pour éviter le péché dans l'avenir. C'est là une erreur des plus pernicieuses; sans le savoir, peut-être, il nous défend de veiller et de prier, afin que nous n'entrions pas en tentation ; car il soutient que nous avons plein pouvoir par nous-mêmes de résister partout et toujours à cette tentation.
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