CHAPITRE XLII. L'HOMME PEUT ETRE SANS PÉCHÉ, MAIS PAR LE SECOURS DE LA GRACE.
49. «Mais soit », dit l'auteur, «j'avouerai que l'Apôtre atteste que tous ont été pécheurs. Il dit ce qu'ils ont été, mais il ne dit pas qu'ils n'auraient pu être autrement. Dût-on même prouver que tous les hommes sont pécheurs, cela n'infirmerait en rien ma proposition, car je m'occupe moins de ce que sont les hommes, que de ce qu'ils pourraient être ». Il a raison d'avouer enfin que nul homme vivant ne sera justifié en présence de Dieu1. Toutefois la question n'est pas là, car l'auteur s'occupe surtout de la possibilité de ne pas pécher, et sur ce point nous n'avons aucun besoin de le combattre. En effet, je ne m'occupe pas de savoir si l'on a trouvé, si l'on trouve, ou si l'on pourra trouver des hommes qui ont possédé, possèdent ou posséderont cette charité de Dieu qui est la justice éminemment vraie, pleine et parfaite. N'ai -je pas toujours confessé que la justice est possible à l'homme par la grâce de Dieu, sans chercher à savoir où et dans quel homme elle se trouve ? Je ne m'occupe même pas de la possibilité elle-même, puisque cette possibilité se trouve réalisée dans les saints par le fait même que leur volonté guérie et aidée par la grâce a prêté son concours à cette charité de Dieu répandue dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné2 et dans toute la plénitude que pouvait comporter notre nature guérie et purifiée. Ainsi donc, tandis que notre auteur se flatte par sa doctrine de défendre les droits de la nature, nous disons que le meilleur moyen de soutenir la cause de Dieu, c'est de le proclamer tout à la fois notre Créateur et notre Sauveur; car en proclamant que la nature est saine et jouit de toute l'intégrité de ses forces, on rend inutiles l'oeuvre et le secours du Sauveur.
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