CHAPITRE XI. LA GRACE DONT NOUS PARLONS N'EST POINT UNE GRACE DE LA CRÉATION, MAIS UNE GRÂCE DE LA RÉDEMPTION.
12. J'avoue à votre charité qu'en lisant ces paroles, j'ai été tout à coup saisi de joie en voyant qu'il ne niait pas la grâce par laquelle seule l'homme peut être justifié; car dans toutes nos discussions, le point qui m'indigne et me révolte, c'est surtout cette négation. Toutefois, en continuant ma lecture, certaines comparaisons ne vinrent que trop promptement soulever des doutes dans mon esprit. Voici comme il s'exprime : « Si je dis que l'homme peut discuter, l'oiseau voler, le lièvre courir, sans indiquer les moyens par lesquels ces actions s'accomplissent, c'est-à-dire la langue, les ailes, les pieds, est-ce que j'ai nié les propriétés de ces fonctions, puisque j'ai avoué les actes eux-mêmes? » Que l'auteur veuille bien remarquer que tous ces exemples sont pris dans l'ordre naturel; en effet, quoi de plus naturel que la langue, les ailes, les pieds? Au contraire, il garde un profond silence sur les choses de l'ordre purement surnaturel comme est la grâce dont nous traitons et sans laquelle l'homme ne saurait être justifié. Ce qui nous occupe, ce n'est pas de créer la nature humaine, mais de la guérir. Sous le coup de ces fâcheuses impressions, j'ai continué ma lecture et je me suis promptement convaincu que mes craintes n'étaient pas sans fondement.
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