CHAPITRE XIX. PÉLAGE NIE LA DÉMENCE DE LA NATURE HUMAINE.
21. Ce qui doit surtout nous intéresser, ce sont les efforts que tente notre auteur pour montrer que la nature humaine a conservé toute son innocence originelle, dût-il pour cela lutter par la sagesse de la parole contre les oracles les plus formels de la sainte Ecriture, et anéantir la croix de Jésus-Christ1; Toutefois cette croix ne sera point anéantie, tandis que sa prétendue sagesse sera complètement déjouée. Espérons en effet que quand nous lui aurons prouvé son erreur, le Seigneur, dans son infinie miséricorde, lui accordera la grâce d'un repentir salutaire.
« Et d'abord », dit-il, « nous devons examiner si réellement, comme quelques-uns le prétendent, la nature a été débilitée et changée par le péché. Pour cela nous devons avant tout nous demander ce qu'est le péché: est-ce une substance ou un simple nom sans substance, en ce sens que le péché ne soit ni un être, ni une existence, ni un corps quelconque, mais la simple dénomination d'un acte mauvais?» Il ajoute : « Je crois qu'il en est ainsi. Et s'il en est ainsi, comment ce qui manque de substance a-t-il, pu débiliter ou changer la nature ? »
Remarquez, je vous prie, comment, dans sa profonde ignorance, il s'efforce de dénaturer les expressions salutaires des oracles divins. « J'ai dit: Seigneur, ayez pitié de moi, guérissez mon âme, parce que j'ai péché contre vous2 ». Qu'est-ce donc qu'il peut guérir, si rien n'est blessé, si rien n'est malade, si rien n'est débilité ni vicié? Vous entendez les aveux de l'homme, pourquoi vouloir qu'il discute? « Guérissez mon âme », dit-il. Demandez-lui à quelle source s'est souillé ce dont il demande la guérison, et écoutez la réponse: « Parce que j'ai péché contre vous». Que notre auteur l'interroge, qu'il lui pose la question qui le préoccupe et qu'il dise : O vous, qui criez: « Guérissez mon âme parce que j'ai péché contre vous », qu'est-ce donc que le péché? est-ce une substance, ou un nom sans substance, en ce sens qu'il ne soit ni un être, ni une existence, ni un corps quelconque, mais la simple dénomination d'un acte mauvais ?
L'Ecrivain sacré lui répond :Vous dites vrai, le péché n'est pas une substance, il est la dénomination d'un acte mauvais. Mais notre auteur se récrie : Pourquoi donc criez-vous . « Guérissez mon âme, parce que j'ai péché contre vous? » Comment ce qui manque de substance a-t-il pu vicier votre âme ? Et l'Ecrivain sacré, pénétré de regret sur sa blessure, ne voulant pas que la discussion l'interrompe dans sa prière, répondrait d'un seul mot Eloignez-vous de moi, je vous prie; allez plutôt, si vous le pouvez, discuter avec Celui qui a dit : « Le médecin est nécessaire non a pas à ceux qui se portent bien, mais aux malades; je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs3 ». Ne compare. t-il pas les justes à ceux qui se portent bien et les pécheurs aux malades ?
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