CHAPITRE XV. PÉLAGE CORROMPT LE TEXTE DE L'APÔTRE SAINT JACQUES.
16. Ces paroles de l'apôtre saint Jacques : « Aucun des hommes ne peut dompter la langue », ne me paraissent pas devoir être interprétées dans le sens adopté par notre auteur, qui veut y voir un reproche, comme s'il y avait : Est-ce donc qu'aucun des hommes ne peut dompter sa langue ? Quoi donc, aurait voulu dire l'Apôtre, vous pouvez dompter les bêtes féroces, et vous ne pouvez pas dompter votre langue? comme s'il était plus facile de dompter sa langue que de dompter les bêtes féroces. Je ne crois pas que tel soit le sens de ce passage. En effet, si l'Apôtre eût voulu faire ressortir la facilité de dompter la langue, cette idée se serait poursuivie dans la comparaison des bêtes féroces. Or, nous lisons, toujours au sujet de la. langue : « Elle est un mal qui agite et tourmente ; elle est pleine d'un venin mortel1» ; et ce venin est plus dangereux que celui des bêtes et des serpents, car ce dernier ne tue que le corps, tandis que l'autre tue l'âme, selon cette parole: « La bouche qui meut, tue l'âme2 ».
Saint Jacques n'a donc pas dit ni voulu dire qu'il soit plus facile de dompter la langue que de dompter les bêtes féroces; il soutient, au contraire, que le mal de la langue est si grand dans l'homme qu'elle ne peut être domptée par aucun homme, tandis que les hommes domptent les bêtes féroces. D'un autre côté, il est loin de sa pensée de nous porter à conclure que nous pouvons par notre négligence nous rendre les dociles esclaves de ce mal; ce qu'il veut, c'est que nous recourions il a grâce divine pour dompter notre langue. En effet il ne dit pas : Nul ne peut dompter sa langue, mais : « Aucun des hommes ne peut dompter sa langue », afin de nous faire mieux comprendre que si notre langue est domptée, c'est à la grâce, au secours et à la miséricorde de Dieu que nous devons cette faveur. Que l'âme s'efforce donc de dompter la langue, et en faisant ces efforts, qu'elle implore le secours divin, qu'elle prie par la langue pour obtenir que la langue soit domptée, par la grâce de celui qui a dit à ses Apôtres : « Ce n'est pas vous qui parlez, mais c’est l'Esprit de votre Père qui parle en vous3 ». Ainsi donc le précepte nous avertit de faire ce que nous ne pouvons ni par nos efforts ni par nos propres forces, parce qu'il veut que nous implorions le secours de Dieu.
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