CHAPITRE XXXVII. POURQUOI L'ÉCRITURE N'A-T-ELLE PAS ÉNUMÉRÉ LES PÉCHÉS DE TOUS LES HOMMES?
43. « Mais, ajoute l'auteur, mes adversaires me diront peut-être: Est-ce que l'Écriture a pu énumérer les péchés de tous les hommes ? » Quels que soient ces adversaires, leur question est parfaitement fondée, et je ne vois pas que l'auteur ait répondu d'une manière péremptoire, quoique je voie clairement qu'il n'a pas voulu se taire. Écoutez sa réponse: « Cela peut être dit légitimement de ceux, bons ou parfaits, dont l'Écriture n'a pas fait mention. Quant à ceux qu'elle nous présente comme justes, elle eût sans aucun doute mentionné leurs péchés, si péchés ils avaient eus ». Dans ce cas, il ne lui reste plus qu'à soutenir que la justice n'avait rien à voir dans cette foi si vive de la multitude qui assistait à l'entrée triomphale du Sauveur à Jérusalem et qui, sans s'inquiéter des frémissements et des murmures des ennemis de Jésus-Christ, criaient de toutes leurs voix : « Hosanna au Fils de David ! béni soit celui qui vient au nom du Seigneur1 ! ». Qu'il ose dire également que dans cette foule immense il n'y avait pas un seul homme qui fût coupable de péché. Si cette dernière hypothèse est une grossière absurdité , pourquoi l'Écriture n'énumère-t-elle pas les péchés de cette foule comme elle en exalte la foi pleine d'enthousiasme et de spontanéité ?
44. Notre auteur, sans doute, pressentait la valeur de cette réponse; car il ajoute aussitôt: «Admettons, si l'on veut, que dans la suite des siècles la foule des hommes était si grande qu'il eût été impossible d'énumérer les péchés de tous dans la sainte Écriture; toujours est-il qu'à l'origine du monde, alors que le genre humain ne se composait encore que de quatre personnes, l'énumération de tous leurs péchés était possible ; pourquoi donc l'Écriture a-t-elle refusé de la faire? Est-ce à cause de la multitude, qui n'existait pas encore? Ou bien s'est-elle contentée de signaler les péchés de ceux qui en avaient commis, tandis qu'elle a dû garder le silence sur celui qui n'en avait pas commis ? » Sa pensée se développe et se complète dans ce qui suit: « Il n'y a », dit-il, « que quatre personnages qui nous apparaissent à l'origine de l'histoire, Adam et Eve, et leurs enfants, Caïn et Abel ; Eve a péché, l'Écriture nous rapporte son crime; Adam a péché aussi, sa faute nous est signalée2; Caïn se rend coupable, l'Écriture nous l'atteste également3; et non-seulement ces péchés sont mentionnés, mais ils sont encore caractérisés dans leur gravité. Si Abel eût péché, l'Écriture nous l'aurait dit; elle se tait sur ce point; donc Abel n'a pas péché, et l'Écriture nous le dépeint comme un juste. Croyons donc ce que nous lisons, et regardons comme un crime d'affirmer ce que nous n'avons pas lu ».
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