CHAPITRE XX. COMMENT LE PÉCHÉ, SANS ÊTRE UNE SUBSTANCE, PEUT-IL VICIER LA NATURE ?
22. Voyez-vous où tend cette discussion ? c'est à rendre parfaitement inutile cette parole : « Vous l'appellerez Jésus, car il sauvera a son peuple de leurs péchés1 ». Comment sauver, quand il n'y a pas de maladie? En effet, ces péchés dont Jésus-Christ sauvera son peuple, selon la parole de l'Evangile, ne sont pas des substances et comme tels, d'après notre auteur, ils ne sauraient vicier. O frère, il est bon de vous souvenir que vous êtes chrétien ! Peut-être suffirait-il de croire ces choses; mais, cependant, comme vous roulez disputer, ce qui ne serait pas mauvais, ce qui serait même utile si précédemment on avait la foi affermie; ne pensons pas que le péché ne puisse point vicier la nature humaine, mais sachant par les divines Ecritures, que notre nature est corrompue, cherchons plutôt comment cela s'est fait. Nous avons appris déjà que le péché n'est pas une substance; mais ne pas manger ce n'est pas une substance, et ce pendant le corps, s'il est privé de nourriture, languit, s'épuise, se brise tellement, que la durée d'un tel état lui permettrait à peine de revenir à cette nourriture dont la privation l'a vicié. C'est ainsi que le péché n'est pas une substance, mais Dieu est une substance et une substance souveraine, et la seule nourriture vraie de la créature raisonnable; en se retirant de lui par la désobéissance, et refusant par faiblesse de puiser et de se réjouir où il devait, entendez le Prophète s'écrier : « Mon coeur a été frappé, et s'est desséché comme la paille, parce que j'ai oublié de manger mon pain2 ».
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