CHAPITRE XIV. TOUT N'A PAS ÉTÉ ÉCRIT.
15. Il suppose cette autre objection de la part de ses lecteurs : « Il n'est écrit nulle part que l'homme puisse être sans péché ». Il la réfute facilement en répondant « qu'il ne s'agit pas de savoir en quels termes une maxime est énoncée ». Toutefois, ce n'est pas sans raison que l'Ecriture, qui nous parle plusieurs fois d'hommes trouvés sans reproche, ne parle nullement d'un seul homme trouvé sans péché, si ce n'est de celui à qui s'applique manifestement cet oracle : « Celui qui ne connaissait pas le péché1 ». Dans un autre passage où il s'agissait des prêtres, l'Apôtre nous dit de Jésus-Christ « qu'il a tout éprouvé, selon la ressemblance sans péché2 » ; il parlait de ce que le Sauveur a éprouvé dans sa chair , laquelle avait la ressemblance de la chair de péché, quoiqu'elle ne fût pas une chair de péché. Or une telle ressemblance ne suppose-t-elle pas que toute autre chair est une chair de péché?
Reste à savoir quelle interprétation l'on doit donner à ces paroles : « Tout ce qui est né de Dieu ne pèche pas et ne saurait pécher, parce que la semence divine demeure en lui3 ». Saint Jean, qui écrit ces paroles, n'était pas né de Dieu, ou s'adressait à des hommes qui n'étaient pas encore nés de Dieu ; car c'est lui-même qui auparavant écrivait : « Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n'est point en nous4». Or, j'ai donné, selon mon pouvoir, l'explication de ces paroles dans les livres que j'ai adressés sur ce sujet à Marcellin5. Quant à ces mots: « Il ne peut pécher», je ne m'oppose pas à ce qu'on les interprète comme s'il y avait: il ne doit pas pécher. Car ne serait-ce pas folie de soutenir qu'on ne doit pas pécher, puisque l'expression même de péché signifie quelque chose qui ne doit pas être fait?
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