CHAPITRE XL. EN QUOI PÉLAGE FAIT CONSISTER LA NÉCESSITÉ DE LA RÉDEMPTION OPÉRÉE PAR JÉSUS-CHRIST.
47. L'auteur pense peut-être que si le nom de Jésus-Christ nous est nécessaire, c'est afin que par l'Evangile nous apprenions comment nous devons vivre, mais nullement afin que nous trouvions dans sa grâce un moyen indispensable pour bien vivre. Qu'il avoue, du moins, le misérable état où nous jettent les ténèbres qui obscurcissent notre esprit, puisque nous connaissons le moyen de dompter les lions tandis que nous ignorons comment nous devons vivre. Pour avoir cette connaissance, suffit-il du libre arbitre et de la loi naturelle ? Ce serait alors cette sagesse de parole par laquelle est anéantie la croix de Jésus-Christ. Or, celui qui a dit : « Je perdrai la sagesse des sages », sachant bien que la croix de Jésus-Christ ne saurait être anéantie, détruit évidemment cette sagesse mondaine par la folie de cette prédication qui apporte la guérison avec la foi1.
En effet, si, par les forces naturelles du libre arbitre, nous pouvons arriver à connaître comment nous devons vivre, et nous suffire pour bien vivre, « c'est donc en vain que « Jésus-Christ est mort a, et le scandale de la « croix n'a plus aucune ;raison d'être2 ». Pourquoi dès lors ne m'écrierais-je pas, pourquoi refuserais-je de leur adresser cette protestation d'une douleur chrétienne : Vous qui trouvez votre justification dans la nature, vous êtes rejetés par Jésus-Christ, vous êtes déchus de la grâce3 ; car ignorant la justice de Dieu et voulant établir la vôtre, vous ne vous êtes point soumis à la justice de Dieu. De même que Jésus-Christ, pour la justification de quiconque croit en lui, est la fin de la loi, de même il est le sauveur de la nature humaine viciée4.
