CHAPITRE LXIII. TÉMOIGNAGES DE SAINT AMBROISE.
74. Dans le passage que l'auteur cite de saint Ambroise, il est certain que ce grand docteur combat ceux qui prétendent que l'homme ne saurait être sans péché dans cette vie. Pour appuyer sa thèse, il cite le fait de Zacharie et d'Elisabeth qui nous sont présentés dans l'Evangile comme ayant marché sans faillir dans toutes les justifications de la loi; mais a-t-il dit quelque part que ces deux époux aient atteint cette perfection sans la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur? N'est-il pas certain que, même avant la passion du Sauveur, les hommes n'ont été justes que par la foi en Jésus-Christ, seul principe d'où puisse nous venir le Saint-Esprit qui nous a été donné, par qui la charité est répandue dans nos coeurs? Or, n'est-ce pas uniquement par la charité que les justes possèdent la justice? Quant à la réception de l'Esprit-Saint, ce saint évêque affirme que nous ne l'obtenons que par nos prières, d'où il suit que la volonté par elle-même ne suffit pas, à moins qu'elle ne soit aidée par la grâce; n'est-ce pas lui qui a composé ce cantique dans lequel nous disons : « Et il accorde aux voeux ardents de mériter le Saint-Esprit ? »
75. Notre auteur a cité de saint Ambroise ce qu'il a voulu ; qu'il me soit permis à mon tour d'en citer le passage suivant : « Il m'a paru », dit-il. « Il peut se faire que ce qu'il a vu, d'autres l'aient vu également. En effet, cette vue ne dépend pas uniquement de la volonté humaine, mais surtout de celui qui parle en moi », est-il écrit1, « du Christ qui seul nous rend capables de voir ce qui est bien. C'est lui qui a pitié de nous et celui dont il a pitié, il l'appelle. Voilà pourquoi celui qui suit Jésus-Christ et à qui vous demandez pour quel motif il a voulu être chrétien, pourra vous répondre . Il m'a paru. Il ne nie pas, en parlant ainsi, l'appel préliminaire de Dieu, car c'est par Dieu que la volonté humaine est préparée; et pour que Dieu soit honoré par un saint, il faut d'abord que ce saint ait été touché de la grâce de Dieu ».
Si donc notre auteur sait goûter les paroles de saint Ambroise, qu'il professe avec lui que c'est par Dieu que toute volonté humaine est préparée, et alors la question qui nous occupe sera à peu près résolue; car il ne s'agira plus que de savoir à qui ou quand est accordée la perfection de la justice, ce qui, dans tous les cas, ne peut se faire que par la grâce de Jésus-Christ. Et puis, quel motif avait donc notre auteur de ne citer qu'une seule phrase de saint Ambroise? Nous lisons: « Comme l'Eglise est formée de la réunion des Gentils, c'est-à-dire des pécheurs, comment pourrait-elle être immaculée, si tout d'abord elle n'avait été purifiée par la grâce de Jésus-Christ et si elle n'avait reçu le privilège de ne pas pécher et de ne tomber dans aucune faute? » Saint Ambroise ajoutait: « Dès le principe, l'Eglise n'est pas immaculée, car cet heureux état dépasse les forces de la nature; mais aidée par la grâce de Dieu et appuyée sur ses propres forces, elle cesse de pécher et se montre réellement immaculées2 ».
Notre auteur passe soifs silence ces dernières paroles, et il n'est que trop facile d'en comprendre la raison. Tous les efforts des Saints ici-bas tendent à réaliser dans l'Eglise de la terre cette pureté sans tache qui caractérise l'Eglise du ciel, laquelle ne renferme aucun pécheur dans son sein, laquelle ne connaît plus cette loi du péché combattant contre la loi de l'esprit, laquelle enfin participe à la sainteté même de la vie divine. Toutefois, que notre auteur veuille bien remarquer ces paroles de saint Ambroise, fondées sur l'autorité même des saintes Ecritures : « L'Eglise n'est pas immaculée dès le commencement, car un tel état est impossible à la nature humaine ». Ce commencement est avant tout celui où nous naissons enfants d'Adam. Car Adam, nous ne pouvons en douter, a été créé dans une parfaite innocence ; quant à ses descendants, ils sont par le fait même de leur naissance enfants de colère, leur nature est viciée et déchue, ils sont souillés dès le commencement, et de là, selon saint Ambroise, l'impossibilité pour la nature humaine d'être sans péché.
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