CHAPITRE LXI. LES PÉLAGIENS DÉNATURENT EN LEUR FAVEUR LA PENSÉE DES ÉCRIVAINS CATHOLIQUES.
71. L'auteur cite à l'appui de sa thèse un certain nombre de témoignages tirés, non pas de la sainte Ecriture, mais des écrivains catholiques, pour prouver qu'il n'est pas seul à suivre l'opinion qu'il professe. Mais ces témoignages sont de telle sorte, qu'ils ne contredisent ni none doctrine ni la sienne. Il a même cité quelques-unes de mes paroles, me jugeant digne de prendre plaise avec les auteurs qu'il a nommés. Je lui en témoigne toute ma gratitude, et l'honneur qu'il me fait est un nouveau motif qui me presse de demander que ses yeux s'ouvrent à la vérité.
Quant au premier auteur qu'il a cité1, je n'ai pu vérifier les textes, car je n'ai pu les trouver dans ses ouvrages, soit qu'il n'ait pas écrit ce qu'on lui prête, soit que l'exemplaire que vous m'avez adressé ait été interpolé. Comme je ne me crois pas obligé d'accepter les paroles des écrivains avec la même soumission que je témoigne aux Ecritures canoniques, je ne me sens nullement ébranlé par cette proposition tirée des écrits de l'auteur dont je n'ai pas lu le nom: « Il a fallu que le maître et le docteur de la vertu fût en tout semblable à l'homme, afin qu'en triomphant du péché, il apprît à l'homme qu'il peut, lui aussi, vaincre le péché2 ». L'auteur seul de cette proposition pourrait en préciser le sens et la portée; toutefois, il est pour nous hors de doute que le Christ n'a pas eu en lui de péché à vaincre, car s'il est né dans la ressemblance de la chair de péché, il n'est pas né dans la chair de péché. Autre proposition du même auteur : « Et ensuite, afin qu'après avoir dompté les désirs de la chair, il nous apprît que le péché n'est point pour nous une nécessité, mais un acte libre et volontaire ». Je puis supposer qu'il ne s'agit pas ici des désirs illégitimes de la chair, mais simplement des désirs naturels, comme la faim, la soif, la lassitude et autres besoins semblables. En effet, quoique la satisfaction de ces besoins soit légitime, cependant elle est pour plusieurs une occasion de péchés; or, c'est là assurément ce qui n'a pu arriver pour le Sauveur, quoiqu'il ait éprouvé ces besoins en vertu de cette ressemblance de la chair de péché, qui lui est attribuée dans l'Evangile.
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