CHAPITRE XXXV. POURQUOI CERTAINS PÉCHÉS NOUS SONT-ILS RAPPORTÉS PAR L'HISTOIRE
40. « Si les Ecritures », dit-il, « et c'est a avec raison, nous transmettent le souvenir a de certains péchés, ce n'est assurément pas a dans le but de nous jeter dans le désespoir de ne pas pécher, ou de nous établir dans a une sorte de sécurité quand nous péchons ». Dans ce récit nous ne devons apprendre qu'une chose, à nous humilier dans la pénitence, ou à ne pas désespérer de notre salut alors même que nous serions tombés dans de semblables péchés. Enfin, la damnation de certains hommes vient moins de leurs péchés que du désespoir dont ils sont saisis; car sous le coup de ce désespoir, non-seulement ils négligent une pénitence qui les sauverait, mais ils se font les aveugles esclaves de leurs passions honteuses et de leurs désirs criminels; on dirait que, pour eux refuser quelque chose à leurs passions ce serait autant de perdu, puisqu'ils n'ont désormais à attendre que leur condamnation. Comme remède à une maladie aussi dangereuse, on ne saurait trop citer à ces malheureux les péchés commis pas des hommes qui sont devenus plus tard des justes et des saints.
41. La question suivante de notre auteur ne manque pas d'un certain esprit : « Dans quel état étaient ces saints au moment de leur mort? étaient-ils coupables, ou sans péché? » Si l'on répondait qu'ils sont morts dans le péché, on en conclurait, ce qui serait un crime, que ces saints sont damnés. Si l'on répond qu'ils sont morts sans péché, il demandera que l'on prouve que tel homme, du moins à l'approche de la mort, a été, pendant cette vie, quelque temps sans péché. Malgré son esprit, il oublie que ce n'est pas en vain que les justes eux-mêmes s'écrient dans la prière : « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés »; il oublie cette explication, donnée par le Sauveur, de la prière qu'il venait d'enseigner : « Car si vous pardonnez les péchés de vos frères contre vous, votre Père vous pardonnera également vos péchés contre lui ». Cette demande de l'oraison dominicale est comme un encens spirituel et quotidien que nous offrons à Dieu sur l'autel de notre coeur; dès lors, quoique nous ne vivions pas ici-bas sans péché, en vertu de cette prière, nous pouvons mourir sans péché, pourvu que nous obtenions sans cesse le pardon des fautes que nous commettons par ignorance ou par faiblesse.
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