CHAPITRE XXVI. COMPARAISON FAISANT SENTIR LA NÉCESSITÉ DE LA GRÂCE.
29. Pesez attentivement ces paroles de notre Auteur : « Quand il est nécessaire, Dieu ne refuse pas de faire miséricorde à l'homme, parce qu'il est nécessaire de venir au secours de l'homme après son péché, et non point parce que Dieu a désiré la cause de cette nécessité ». Ne voyez-vous pas que s'il ad. met la nécessité de la miséricorde de Dieu, ce n'est point afin que nous ne péchions pas, mais parce que nous avons péché? Il ajoute: « Le médecin doit être prêt à guérir celui qui est blessé, mais il ne doit point désirer que celui qui est sain reçoive quelque blessure ».
Si cette comparaison peut s'appliquer à la matière que nous traitons, il en résulte évidemment que la nature humaine n'a pu être blessée par le péché, puisque le péché n'est pas une substance. De même, par exemple, que celui qui boîte à cause d'une blessure, se fait soigner pour que la guérison de celle blessure lui rende une marche régulière; de même, en guérissant nos maux, le Médecin céleste n'a pas seulement en vue de détruire ces maux, mais encore de nous faire marcher droit dans le chemin de la vertu; or, cette marche n'est possible, même aux justes, que par le secours de Dieu.
Quand un médecin ordinaire a guéri un homme, il s'en remet pour le reste à la Providence, de qui seule le malade peut attendre sa sustentation par les éléments et par la nourriture corporelle, toutes choses nécessaires à l'affermissement et à la conservation de la santé et qui ne peuvent venir que de Dieu aussi bien que les remèdes employés pour refouler la maladie. En effet, si le médecin soigne et guérit, ce n'est point avec des médicaments qu'il crée lui-même ; car les substances qui composent ces médicaments sont l'oeuvre de Celui qui crée tout ce qui est nécessaire à ceux qui sont en santé et à ceux qui sont malades.
D'un autre côté, ce Dieu qui, par Jésus-Christ médiateur de Dieu et des hommes, guérit spirituellement les malades et ressuscite les morts, c'est-à-dire justifie les pécheurs, ne nous abandonne pas si nous ne l'avons pas abandonné nous-mêmes, et après nous avoir ramenés à une santé parfaite, c'est-à-dire à la vie parfaite et à la justice, il est toujours là pour nous aider à vivre dans la piété et dans la justice. En effet, de même que l'oeil le plus sain ne peut distinguer les objets qu'autant qu'il est plongé dans la lumière, de même l'homme pleinement justifié, ne peut vivre dans cette justice qu'autant qu'il est aidé divinement par l'éternelle lumière de la justice. Dieu nous guérit donc, non pas seulement en ce sens qu'il efface les péchés que nous avons commis, mais en ce sens encore qu'il nous fournit les moyens de ne pas pécher
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