Chapitre C.
Au sublime, à l'ami de Dieu, au spirituel seigneur et à notre très cher frère Jean (Iohannès), patriarche de la grande Arménie, Nicolas (Nikoghaios), par la miséricorde de Dieu, archevêque de Constantinople, serviteur des serviteurs de Dieu, salut dans le Seigneur.1
Je pense que rien n'est inconnu du Seigneur, mon Dieu, relativement à l'amour que vous lui portez ; aussi l'affliction la plus grande, le chagrin et les douleurs sont dans nos cœurs, à cause des Arméniens, des Ibériens, des Albaniens (Aghouank'hs) et généralement de tout le troupeau de fidèles qui vous est ce soumis, sur lesquels sont tombés le plus cruel des malheurs et les vexations des tyrans arabes. Quoique nous soyons séparés de vous par le corps et que nos yeux n'aient pas vu l'infortune de votre troupeau, le fruit des malheurs inouïs de votre pays est venu jusqu'à nous ; nous pleurons bien amèrement ; notre âme et notre esprit sont plongés dans une extrême affliction. Et, quoique nous soyons très éloignés de vous, et que seulement nous ayons entendu le récit de vos souffrances et de vos malheurs, et appris, ce qui est bien plus, que vous avec communié avec votre troupeau, au milieu des tourments, avec les fugitifs, les hommes blessés et torturés par des rebelles infidèles et tyrans, il est convenable de penser qu'il y a quelque chose qui est la cause de tout cela, et qu'il faut porter de la consolation aux victimes de ce malheur, parce que l'équité viendra ensuite pour effacer ce qui a précédé et tout le scandale qui est survenu. Il paraîtra sans doute nécessaire à votre sainteté d'implorer d'abord, chaque jour, la bienveillance et la protection divines, pour que le Seigneur étende la main sur vous ; d'appeler du fond de votre cœur le Dieu tout-puissant pour attirer sa compassion et sa miséricorde sur votre troupeau d'Arméniens, d'Ibériens et d'Albaniens, de songera tout ce qui leur serait utile ; de ne point consentir à leur perte, et de donner une attention particulière à ce qui pourrait tourner à l'avantage de tous en général, par la connaissance de Dieu et par la parole chrétienne, qui a le pouvoir d'enchaîner et de délivrer, qui est distinguée par sa puissance sur le ciel et sur la terre, qui peut détruire la haine et la méchanceté survenues parmi eux, qui peut rendre facile la tâche d'effacer toute trace de férocité, qui peut faire que ceux qui sont enflammés de fureur et qui ne veulent que s'égorger, retournent à des sentiments humains et à une paix chrétienne, par le moyen de laquelle il soit possible d'ouvrir la voie du salut à ce qui reste des Arméniens, des Ibériens et des Albaniens.
La lettre du grand patriarche de Constantinople, Nicolas, parvint à Jean Catholicos en 920, selon Saint-Martin (ouvr. cité, I, 361). L'empereur, dont Nicolas évite de prononcer le nom, est Constantin Porphyrogénète, successeur de Léon VI en 911, ou plutôt son gendre, Romain Lécapène, qui avait usurpé le pouvoir et s'était fait couronner empereur dès l’année 919. ↩
