Chapitre XXII.
Quand cette longue lettre eut été lue, on fut extrêmement honteux, et l’on détesta l'extrême méchanceté des perfides, à cause de ce qui avait été écrit. Mais il n'arriva rien, nulle part, selon les désirs des adversaires. Plusieurs d'entre ceux-ci, et beaucoup de personnes que leur arrogance et leur violente jalousie avaient entraînées dans les voies de la calomnie, périrent par la redoutable colère de Dieu. Leurs méchantes lèvres s'étaient ouvertes pour faire le mal, mais il paraît que, pour la plupart, ils ont été frappés et ont péri. Tous ont été atteints et blessés intérieurement, traités comme des infâmes et plongés dans la plus grande confusion. Les plus audacieux mouraient tourmentés par une grande chaleur, brûlés par un feu vif et par des charbons ardents. Le malheur contraignit le reste de ceux qui avaient répandu la calomnie à venir se jeter aux pieds du patriarche ; punis par les justes craintes qu'ils avaient éprouvées, ils trouvèrent leur pardon. Le grand sbarabied en proie à une crainte profonde et à la terreur que lui inspiraient les jugements de Dieu, vint aussi se jeter aux pieds du patriarche avec de grands gémissements, des soupirs et des larmes, et sollicita le pardon de son crime insensé ; il l'obtint en demandant au patriarche son amitié, dans des dispositions de cœur exemptes de toute espèce de jalousie. Les choses se terminèrent dignement par le pardon et la bénédiction, selon la religion. Mais à cause des craintes que je conservais, toutes les résolutions qui avaient été prises furent confirmées, dans la suite, par un acte écrit ; et ceux qui étaient venus implorer leur pardon n'eurent pas à souffrir les tourments, les souffrances, et les coups qu'ils avaient mérités pour s'être conduits comme Judas.
Cependant Sempad rétablit complètement l'autorité royale ; se rappelant les sages préceptes de Paul (Bo-ghoues), il se conduisit bien avec tout le monde ; il régla la paix d'une manière stable par des traités de bonne amitié. Il ne s'éloigna pas de l'usage de ses pères ; il resta fidèle ami de l'empereur romain Léon.1 Pour conserver son affection et ses dispositions pacifiques, il envoya à ce prince des personnages distingués, avec de grands présents. L'empereur, de son côté, fit parvenir à Sempad des objets de luxe magnifiques et chargés d'ornements, des robes, des vêtements, des vases, des coupes, des ceintures, entièrement couverts d'or. Mais ce qui était bien plus que tout cela, c'est qu'en même temps Léon l'appelait son fils bien aimé, et l'assurait de son alliance et de son amitié.
Quand l'osdigan Afschin apprit que Sempad avait beaucoup accru sa puissance, et qu'il était véritablement uni avec l'empereur par les liens de l'amitié et par un traité d'alliance, il en fut inquiet et troublé ; il pensa en lui-même au moyen d'agir contre eux, et de détruire leur amitié et leur alliance. En conséquence il rassembla beaucoup de troupes, et se disposa à se mettre en marche vers l'Arménie. On fit promptement connaître au roi Sempad le mauvais dessein du perfide Afschin. Aussitôt il ordonna à tous ses nakharars de réunir une grande quantité de troupes et de combattants vaillants et habiles au métier des armes. Après avoir rassemblé trente mille guerriers, il s'avança à la rencontre d'Afschin jusqu'au pays de Rhadouekk'h, auprès de l'Azerbaïdjan, et lorsqu'il fut en présence des troupes ennemies, il envoya des lettres à Afschin par le moyen d'un courrier. Pourquoi, lui écrivait-il, agis-tu méchamment ? Pourquoi marches-tu et t'avances-tu ? Si j'ai lié amitié avec l'empereur, c'est pour votre avantage ; car cette amitié est peut-être nécessaire au grand amirabied, et vous pourrez d'un moment à l'autre avoir besoin de l'appui des Grecs ; offrez-leur votre secours ; rendez-leur des services, envoyez-leur de superbes robes et de magnifiques ornements. En ouvrant le chemin aux marchands qui sont de ta religion, ils te donneront l'entrée de leur pays ; et par leurs richesses, ils rempliront abondamment tes trésors. Afschin, après avoir lu Ces agréables paroles, comprit ce qui devait en résulter : il envoya à la cour du prince des cuirassés choisies, et changea ses discours méchants en un message d'amitié. Après cela, tous deux montés sur de magnifiques chevaux, ils se rapprochèrent l’un de l'autre et se firent des dons et des présente vraiment royaux ; puis Afschin se mit en route et rentra dans l'Azerbaïdjan ; Quant au foi Sempad, il retourna sur ses pas et se dirigea vers Tovin, la métropole. Il vit que ceux à qui il avait donné les plus hautes dignités né remplissaient pas les devoirs exigés par l’obéissance, qu'ils ne satisfaisaient pas à leurs engagements avec le roi, et que les tributs diminuaient. A sort approche on ferma les portes de la ville il attaqua vivement la ville, et dans le trouble que causa cette attaqué, il y eut beaucoup de désordres, de pillages, de dévastations et d'incendiés. Pendant l'espace de deux ans tout fut dans le même état ; on se causa, de part et d'autre, de l'affliction, des tourments et de la gêne. Deux frères nommés Mohamet (Mahmed) et Oumaï étaient alors osdigans ou gouverneurs de la ville ; ils rassemblèrent leurs guerriers et sortirent de la ville pendant la nuit. Ils furent mb en déroute ; on observa leurs mouvements ; on envoya des troupes à leur poursuite, on les fit prisonniers, et on les amena au roi Ils furent mis aux fers, et par l'aiguillon des tourments, on parvint à leur arracher beaucoup de trésors en or et en argent ; puis on les envoya, chargés de chaînes de fer, à l'empereur Léon. Il est certain que depuis cette époque le roi Sempad gouverna les habitants de la ville en leur faisant sentir le joug de la servitude. Il étendit sa main puissante, et parcourut beaucoup de pays qu'il sut s'attacher et dont il parvint à soumettre les chefs à sa domination, les uns par ses paroles conciliantes, les autres par ses belles actions, Parmi eux étaient le grand curopalate d'Ibérie et tous ceux qui dépendaient de celui-ci ; ils prêtèrent obéissance à Sempad, et lui restèrent attachés avec la plus admirable fidélité. D'autres furent renversés à ses pieds par la supériorité de sa puissance, et parce qu'il traita les arrogants avec une grande sévérité. Il agrandit et il étendit les limites de sa souveraineté du côté du nord-ouest jusqu'à la ville de Garin ; depuis la province de Kghardcbk'h jusqu'aux bords de la grande mer, jusqu'aux frontières de la Colchide (Iégiéria), jusqu'au pied du grand mont Caucase, à la province de Gougarg, et à celle de Dzanarg (Dzanark’h) ; jusqu'à la porte des Alains, où il prit le fort qui y était construit. Du côté du midi, sa souveraineté s'étendait depuis le fleuve Kour jusqu'à la ville de Tiflis (Dep’hkhis) ; elle comprenait la province d'Oudie (Oudi) jusqu'à la ville d'Hounaragerd (Hounarakierd) jusqu'à Dounk'h, jusqu'à Schamkour (Schamk’houer). C'est ainsi que Sempad étendit les limites de sa souveraineté2 ; il établit partout des impôts, des contributions et des tributs ; il signala son courage dans de grands combats, et consacra par un monument le souvenir de ses victoires.
