Chapitre XLIX.
Quand l’ischkhan Gagig eut reçu la couronne royale, il se rendit dans le pays soumis à son pouvoir ; une perturbation et un deuil universels se manifestèrent dans tous les esprits, parce que l'osdigan, qui n'aimait que le trouble, était parvenu à semer la discorde et à ouvrir la porte de la destruction, et parce qu'il n'y avait plus personne, excepté Dieu, qui pût écarter ces fléaux. Cependant le roi Sempad cherchait dans son esprit à vaincre le méchant par le bien, et continuait de payer à l'osdigan le tribut accoutumé d'obéissance, afin qu'il se dépouillât enfin de sa méchanceté. Mais Youssouf déchira le voile et fit connaître la sombre perfidie et la cruauté de la sanguinaire bête féroce arabe. A cause de la bonté des désirs du roi Sempad et de tous les nakharars qui me poussaient à le faire, je me mis en marche vers l’Azerbaïdjan (Aderbadakan) pour aller trouver l'osdigan.1 Je portais des dons et des présents considérables, des ceintures royales, des robes superbes enrichies d'or et ornées de figures faites à l'aiguille par des femmes ; il y en avait une grande quantité. Je conduisis aussi beaucoup de chevaux et de mulets richement enharnachés, des armes magnifiques, et beaucoup d'autres objets précieux, qui étaient d'or ou d'argent. J'emportai encore avec moi un nombre considérable de vases sacrés, pensant qu'ils me seraient peut-être utiles ; car je me proposais de lui en faire don aussi, dans l'espoir que cela contribuerait à amortir ses poisons, à relever la pierre de la sainte église, à empêcher la perte de tous les serviteurs de Jésus-Christ, et que, par ce moyen, je pourrais, dans la suite, ramener la paix et la tranquillité, et rendre le bonheur à la mère Sion, qui était, en ce moment, comme une mère que l'on a privée de ses enfants. Dans le commencement je fus reçu avec bonté par l'osdigan, qui me traita avec un faste et des honneurs royaux, et usa envers moi des manières les plus gracieuses. Il accepta tous les présents que je lui avais apportés pour qu'il accordât la pacification du pays et que le roi fût rendu à une vie tranquille. J'espérais l'émouvoir en notre faveur, et faire cesser les causes de sa vaine arrogance et de sa méchanceté, ce qui peut-être ne pouvait pas immédiatement s'obtenir, mais ce qui pouvait bien arriver ainsi par la suite. Loin de là, avec une insigne perfidie, il employa la force, quelque temps après, pour me retenir prisonnier, et il me mit comme otage dans un endroit obscur et ignoré, qu'il fit environner de murs et remplir de gardiens, de sorte que du lieu où j'étais enfermé mes gémissements ne pouvaient parvenir au-dehors.
Cette même année 908, Sempad envoya en ambassade, auprès de Youssouf, Jean Catholicos, qui fut retenu prisonnier par ce dernier. ↩
