Chapitre CXLVIII.
1 Tandis que Youssouf était amené de force prisonnier auprès de l'amirabied, un des serviteurs les plus distingués de celui-ci, qui se nommait Serpouk'h et qui était ischkhan et hramanadar du palais de l'amirabied, gouvernait militairement le pays soumis à la domina-nation de Youssouf. Quelques jours après, l'amirabied le créa osdigan à la place de ce dernier. Serpouk'h fit alors avec Aschod une alliance bien plus solide que celle qu'avait faite Youssouf ; il conclut un traité de paix avec ce prince, et lui donna le titre de schahanschah (rois des rois). Cependant il gardait dans son cœur la haine et les perfides poisons que l'on comptait toujours répandre sur le roi Gagig. Peu de temps après il réunit ses troupes et les envoya du côté de la province de Djovasch. Quoique les habitants du pays connussent d'avance ses mauvais desseins, ils ne purent se retirer dans les forts ; mais, comme frappés par la foudre, ils se dispersèrent sur la surface du territoire ; alors les ennemis pillèrent la province et firent un butin considérable. Les hommes distingués, les femmes, les enfants en bas âge, n'ayant pu se jeter assez promptement dans les forts des plaines pour assurer leur indépendance, furent emmenés en captivité.
Les événements rapportés dans ces trente-neuf chapitres (CXLVIII à CLXXXVI) embrassent les années 922, 923, 924, et peut-être le commencement de l’année 925, qui fut celle de la mort de l'auteur. Aschod II, surnommé Schahanschah ou Schahinschah (roi des rois), et Ergathi (de fer), occupait encore le trône d'Arménie. Il ne cessa de régner et de vivre qu'en 928. — Au chapitre CLXXXIII, j'ai dû laisser subsister la date fautive de 335 (883) de l'ère de Thorgoma, que porte le manuscrit autographe de la traduction française. Mais il est évident qu'on doit lui substituer celle de 372 (923). En effet, la prise du fort de Piourakan eut lieu pendant que Nesr, dit Serpouk'h, administrait l'Arménie sous les ordres d'Youssouf, après la réintégration de ce dernier, par le khalife Moktader-Billah, dans les fonctions de grand osdigan de la Perse, de l'Azerbaïdjan, de l'Arménie, de l'Albanie et de l'Ibérie. Youssouf, primitivement nommé à ce poste l'année 901 de notre ère, et destitué en 922, fut réintégré peu de temps après cette dernière époque. La prise du fort de Piourakan doit donc être placée en l'année 372 de l'ère de Thorgoma, qui correspond à l'an 923 de la nôtre ; et l’on voit effectivement que dans les chapitres qui précèdent ceux où Jean Catholicos raconte les événements relatifs à sa fuite et aux deux sièges que le fort eut à soutenir, il est question de faits propres au règne du roi des rois Aschod, qui n'ont pu arriver que pendant to cours des années 920, 921 et 922, selon l'ordre chronologique établi par le traducteur lui-même dans ses Mémoires sur l'Arménie (I, 359-362). ↩
