Chapitre XC.
Il y avait encore deux frères qui étaient de la race des Gnouniens (Gnounik'h), dont voici les noms : l'un s'appelait David, et l'autre Gourgen ; ils furent emmenés de force en captivité, et conduits devant le tyrannique osdigan. Il leur fit des demandes et des exhortations, promit de leur donner la moitié de leur souveraineté, leur présenta des robes, des vêtements dorés et couleur de pourpré, et toutes sortes d'habillements en étoffes précieuses, aussi bien que des ceintures, des colliers et des bracelets dorés ; enfin tout ce qu'il y avait de plus remarquable et de plus distingué en ornements et en belles choses. Il étendait ses mains vers eux, les serrait sur son sein et entre ses bras, les approchait de lui et les embrassait tendrement. Par de vaines et inutiles paroles il tâchait de les soumettre, et tentait de séduire leur jeunesse pour les amener à l'infidèle croyance qu'il professait. Mais ils avaient reçu de Jésus-Christ un excellent don, une armure très forte, pour résister à l'ignorance ; embrasés de zèle, ils ouvrirent la bouche tous deux en même temps pour dire d'excellentes choses contre la perfidie, et ils déclarèrent devant tout le monde leur foi, en disant à haute voix : Nous sommes chrétiens ; nous reconnaissons la vérité de Dieu, à qui est l'immortalité et qui habite dans une lumière sans bornes,1 et nous ne voulons pas changer de religion pour votre impiété qui n'est rien, quoique vous la considériez comme quelque chose. Après avoir manifesté leur opinion et le désir qu'ils avaient de recevoir le martyre pour Jésus-Christ, ils regardaient l'ennemi avec assurance ; alors l'osdigan donna l'ordre de les faire périr par l'épée. Pendant qu'on les conduisait à la place où l'on devait les exécuter, ils adressaient à Dieu de continuelles prières, accompagnées de gémissements, de lamentations et de supplications dignes d'être écrits avec la plume des saints martyrs qui avaient toujours été fortifiés par la foi. Quand le bourreau fut présent, le frère aîné s'avança, en demandant qu'on le décapitât par le glaive ; il voulait se livrer pour pâture à l'épée avant son jeune frère ; il pensait que celui-ci ; en restant le dernier, pourrait, par sa taille d'enfant et par l'absence de l'ornement de la barbe, qui était encore à naître sur ses joues, attendrir quelques-uns de ces Arabes qui tuaient avec l’épée. Mais le jeune frère disait de son côté : Cher frère, je veux m'offrir avant toi à Jésus-Christ, notre espoir ; c'est faire un sacrifice raisonnable, c'est faire l'holocauste d'un martyr envoyé vers celui qui est mort pour nous et qui nous écrira bien haut dans le livre de vie. Puis, sans affliction et ne sachant pas ce que c'était que la douleur de la mort, il s'offrit de lui-même au glaive ; sa tête fut abattue, et pour Jésus-Christ il fut couronné d'une couronne inflétrissable. Ensuite, après ce généreux combat, le frère aine s'avança pour mourir, gardant toujours avec ardeur la foi dans son esprit ; il fut massacré, expira sous les coups du glaive impitoyable, et acquit une vie, une béatitude et une joie éternelles, qui relevaient de la royauté.
L'expression Dieu… qui habite dans une lumière sans bornes nous rappelle que, dans le système religieux anciennement introduit en Arménie par les Perses, la divinité suprême recevait les qualifications de Grande lumière, Splendeur, Lieu ou Espace, et Temps sans bornes. ↩
